MEMOIRES OUBLIEES
Un soir d’un mois d’avril où le vent du grand large
Raconta cette histoire d’un triste naufrage,
Survenu un jour à un sinistre équipage,
Pendant qu'une tempête soufflait sur nos plages.
Bien partis en bordée dans les cafés du port,
Ils voulurent tous les deux remonter à bord
D’un petit bateau amarré à un corps mort.
Une vague plus violente les balaya.
Ils chavirèrent à quelques cent mètres de là
Et vite tombèrent à l’eau dans un grand fracas.
Remontant vivant à la surface de l’eau,
Un des hommes tira le funeste fardeau,
Le corps sans vie accroché au petit bateau.
De peur le rescapé implora le seigneur
De lui préserver la vie pour des fins meilleures,
Et qu’à l’avenir il se mettrait au labeur.
Son dieu lui accorda une nouvelle chance,
Dit à son oreille ses doux mots de confiance :
« Pour revivre je te redonne la lumière,
Alors pour toi c'est fini le vin et la bière
Ou bien ta vie sera une vie de misère. »
Le temps passa les paroles furent oubliées.
Souvenirs très morbides alcoolisme avancé,
Excuses faciles et les amours impossibles,
Avenir trop compromis promesses fébriles,
Comment peut-on revivre avec ces choses là !
Qui peut redonner sa confiance à ce gars là !
Rapide la descente aux enfers commença.
Les pénitences et les brimades
pleuvèrent.
Sa fiancée et ses chers amis le quittèrent.
Vidé au bout du rouleau il se réveilla
Dans une chambre blanche d’hôpital la bas.
Après tant d’années il se mit tant à pleurer.
Les larmes de son corps se mirent bien à couler
Et lavèrent le caca dans ses yeux bleutés.
Retrouvant l’espoir il se mit à militer.
JOEL
NUIT DE CAUCHEMAR
Allongé dans mon lit, j’essaie de dormir. Le sommeil ne venant plus mon corps tourne et vire. Ma conscience m’appelle et me demande « qu’as tu fait cette nuit là ? ». Evitant
de penser à la question je me tourne de l’autre coté. Ma femme dort, ses ronflements ne me gênent même pas, dans cette nuit trop calme elle parle toute seule de temps en temps troublée par ses
rêves. Dans ses rêves elle part de plus belle, au moins elle n’a pas besoin de compter les moutons !
Dans ma tête les images défilent, je voudrais arrêter le film le temps de m’enfoncer au pays des songes. Mais je n’y arrive pas, mon idée fixe me poursuit, me persécute. Je voudrais à tout jamais
la chasser, mais elle s’accroche, alors j’essaie de penser de toutes mes forces à autre chose mais elle résiste, elle s’accroche. Comment faire ? Instinctivement je place l’oreiller au
dessus de ma tête comme si je voulais empêcher les images d’y pénétrer. Le résultat est négatif le sommeil n’est point au rendez vous. Ah ! Ces images toujours ces images. Je voudrais tant
revenir en arrière pour essayer de les analyser mais je n’y parviens pas tout à fait, une partie des pièces du puzzle manque.
Qu’ai-je pu faire cette nuit là ? Une nuit de ténèbres m’envahissait me paraissant aussi noire que mon âme. Tout paraissait sombre, noir à l’intérieur de moi, noir à l’extérieur dans cette
nuit de cauchemar. La nuit du jugement sonne pour moi, ma conscience me tient éveillé, elle veut savoir. Elle me secoue, intérieurement je crie « au secours ! A l’aide ! Dieu
pitié ! ». Je me débats devant cet inquisiteur surpuissant, mais une force intérieure me plonge dans les flots d’une mer déchaînée, d’une mer furieuse, dans une mer que l’on n’a pas su
respecter, que l’on n’a pas pris au sérieux. Inconscience humaine ! Erreur fatale ! Tu vas passer de vie à trépas. Comme pour me punir, la masse déchaînée de l’océan redouble de force,
énorme se gonfle de colère et dans un fracas assourdissant s’abat sans aucune réserve sur mon corps qui sombre de nouveau dans le liquide glacé de cette nuit d’avril. Sans cesse et sans cesse redouble ses efforts dans le but de m’entendre crier grâce au Seigneur, pour expier toutes les fautes passées, tous les mauvais comportements de ma vie antérieure, afin d’effacer toutes les promesses données et non
tenues.
Le
liquide me renverse, m’envahit, en veut à ma vie. Je ne veux pas mourir de cette façon ! Non ! Pas étouffé ! Pas noyé ! Je veux
vivre. Le temps me parait une éternité, j’implore Dieu de prendre ma vie à la place de celle de mon copain. Le Tout Puissant ne me répond pas. Pas une
voix, pas un signe ; je pleurais de rage, de désespoir, je criais à qui pourrait m’entendre. Je buvais sans arrêt cette eau salée, les vagues passaient par-dessus nous, sans arrêt, sans
aucune fin. Mon esprit entrait en ébullition, pensant à l’idiotie que je venais de commettre, aux conséquences que produirait ce naufrage, à nos familles, à ces enfants. J’ai braillé pour que de
la cote on m’entende, j’ai nagé contre cette eau furieuse, froide, contre le courant qui nous déportait, contre le froid qui enquilosait de plus en
plus mes membres, contre la mort qui me narguait par ces paquets de mer, par ces bourrasques puissantes. Je nageais et nageais sans arrêt pour ne pas sombrer seul avec mon fardeau perdu dans cette nuit. Oû me diriger, les lumières des cotes s’illuminaient tout autour de
moi me donnant dans l’eau une autre vision des choses. Les secondes, les minutes, les heures me paraissaient une éternité. Ma vie était en sursis. Trop lâche pour mourir, trop lâche pour
combattre mon problème d’alcool. Je choisissais de vivre et on verrait après.
Les années ont passées, après le naufrage, après toutes ces bonnes promesses que je mettais faites et
aux autres, promesses d’ivrogne jamais tenues, je sombrais toujours dans ma nuit de cauchemar, m’en servant de plus en plus comme excuse pour pouvoir continuer de boire.
Cette nuit n’est point une nuit comme les autres, aujourd’hui m’étant sorti de l’ombre, mettant sorti de mon alcoolisme, de tous ces déboires causés,
de tous ces gâchis, pour faire prouver mon affection, mon amour, ma confiance à une amie je lui écrivais mon témoignage. Témoignage qui m’a profondément bouleversé, qui m’a remué jusqu’au plus
profond de moi-même. Ma conscience me demande « qui es tu, qu’as-tu fait cette fameuse nuit d’avril ? » Je cherche dans mon film, j’essaie de comprendre. Ivres quand nous
avions navigué avec l’annexe, naviguant au moteur, de peur de chavirer dans cette mer tourmentée, la peur au ventre connaissant mon embarcation mieux que mon collègue je me suis levé pour prendre
les commandes. Une vague plus grande que les autres nous chavira dans l’eau et cela a été le drame.
Pourquoi me suis-je levé ? Me croyant comme toujours meilleur que les autres imbibé de ce breuvage, gonflé à bloc, je me sentais sûr de ma
personne ou était ce par la peur de voir ma dernière minute à vivre sur cette terre qui me rejetait, avec ces gens qui me haïssaient. Etant prévenu des dangers de naviguer dans cette furie, dans
cet état, nous n’avions rien voulu entendre, inconsciemment comme quelqu’un qui prend son volant dans cet état d’ébriété, je suis devenu un assassin, involontairement mais un assassin quand même.
Cette nuit je l’ai compris.
Ne
trouvant ce sommeil tant désiré, sur mes joues mes larmes se sont mises à couler, amères et salées. Je les ai laissées couler, que c’était bon de pleurer. Je suis un homme et sans honte je peux
avouer que je me sentais bien de pleurer. Pendant de longues minutes, de longues heures je vidais une longue vie de débauche, je lavais toute la lâcheté de mes actes. Pour une fois je
reconnaissais mes tords, ma responsabilité dans ce naufrage.
C’est difficile de se l’admettre mais cela soulage.
JOEL